Rituels de l’antisocial
Il s’agit d’une série de stéréotypes qui cherchent à présenter une mise en scène narrative où l’on retrouve différents objets et personnages tels que certains éléments d’architecture, des véhicules, un ours, une femme et des enfants. Le tout présenté dans le cadre d’une mise en scène théâtrale bien maîtrisée.
Dans le contexte de ces scènes muettes et dramatiques, l’artiste/héros est ici le grand manipulateur, le comédien, l’acteur, le maître de cérémonie, le cascadeur jouant l’humour, la violence, l’indifférence, la cruauté et l’étrange. S’impose en effet un monde opaque et très sombre où le héros, l’enfant, la femme et les « autres » tentent de vivre sinon de survivre.
L’obstacle à surmonter : comment illustrer et défier les modèles établis d’interaction sociale humaine ? Comment créer une série de nouvelles images qui révèlent d’une manière originale les contradictions irréconciliables au sein de nos interactions sociales qui constituent notre monde connu ?
L’agent de la subversion est ici à l’œuvre. Quelle est ma place ? Quelle est votre place ? En changeant de place, en amplifiant certains rituels, en flirtant avec l’absurde, les fondements cachés d’une société « étrange » se précisent.

La source

La surprise

Le projet

L’érection lumineuse

L’amant

Le trophée

Le majordome

Regard vers l’éternité

Le mot

La machine

Le passager

La machine à remonter le temps

La rumeur

La tradition

Le désert

Le sacrifice

La réunion

L’accident

L’académie

La rentrée

La garderie

La fin du père

Le détour
Décrocheur d’images
D’abord, un détour par la galerie Vox – oui, oui, celle qui est reliée à Vox Populi, responsable du Mois de la photo à Montréal, le hasard (?) fait bien les choses – s’impose. Vous y trouverez une série de diptyques photographiques de Robert Duchesnay, du plus humoristique des goûts, en même temps que chargé d’effets dramatiques inévitables.
À la manière d’un polar photographique, Duchesnay a concocté un récit absurde qui suit les épisodes entre un personnage omniprésent et des… toutous en peluche qui sont parfois ses complices, qui ailleurs le trahissent, etc. Détrompez-vous. Il n’y va pas d’une esthétique loufoque et uniquement risible. Au contraire, ce récit plein de rebondissements (véritablement) procède d’une esthétique cinématographique se référant, comme le souligne fort à propos Céline Mayrand dans le petit texte qui accompagne l’exposition, à L’Homme à la valise, Le Fugitif et Le Saint, une liste de séries télévisées à laquelle on pourrait ajouter Le Prisonnier, et du côté du « grand art » du cinoche, David Lynch, Godard et Hitchcock. Rien de moins, c’est juré !
À cheval entre la continuité narrative et le duo d’image clos, ce récit sarcastique et elliptique peut être abordé de multiples façons. Parfois les images s’organisent en séquence, ailleurs de petites différences entre deux images d’un même diptyque suggèrent une lecture plus formelle. Ce théâtre parfois cruel, fait de crimes, de trahisons, de règlements de comptes, d’héroïsme et de fuites, fonctionne absolument en vase clos, comme une parenthèse sordide. Une excellente production, jouant sur des codes connus du récit de complotage et qui le détourne pour en révéler la plus grande absurdité. Aurait réussi à égayer le pan « photo documentaire » du Mois de la photo d’une touche d’humour et d’un beau déplacement du genre fictionnel.
À ne pas manquer, sous aucun prétexte.
Bernard Lamarche
Le Devoir, section Les Arts, samedi 13 décembre 1997➔